Sont-ils frequentables?
Publié : 24 juin 2010, 13:51
Ces gens sont-ils fréquentables ?
La fréquentation des hommes d’affaires chinois de la province côtière du Zhejiang, au sud de Shanghai, ne sourit décidément pas aux industriels français. Il y a un an, Schneider Electric avait dû indemniser son concurrent local Chint après avoir perdu un procès en contrefaçon, au cours duquel il avait pourtant prouvé son antériorité sur les brevets du produit concerné. En octobre dernier, Danone avait rendu les armes dans le conflit l’opposant à Zong Qinghou, son ancien partenaire au sein de la coentreprise Wahaha. C’est désormais au tour d’Alstom de se retrouver piégé par son allié local. Piégé en Chine, mais aussi, et c’est une première, en Bulgarie et en Roumanie… Sur des marchés financés par l’Union européenne. Une histoire si édifiante, qu’elle a récemment conduit le groupe français à raconter ses mésaventures à des députés européens médusés.
Tout commence en 2004, par la signature d’un accord de licence entre Alstom et la société Insigma Technologies. Créée trois ans plus tôt par l’université du Zhejiang, cette start-up se lance d’abord dans les services informatiques, passant notamment des accords de partenariat avec des industriels tels qu’IBM, Intel ou Sony. Mais, très vite, elle se diversifie dans d’autres secteurs. C’est ainsi qu’elle en vient à conclure avec Alstom un accord lui donnant accès, pour le seul marché chinois, à une technologie de « désulfuration humide ». Un procédé de lutte contre la pollution de l’air, qui permet de capter les dioxydes de soufre émis par des centrales thermiques de production d’électricité.
Dans un premier temps, tout se déroule normalement et six projets basés sur cette technologie sont lancés en 2005. « Mais, en 2006, explique-t-on chez Alstom, Insigma cesse de payer les royalties et transfère la licence à une de ses filiales, Insigma M&E, en violation de l’accord de licence. » En mai de la même année, Alstom, qui n’avait jamais rencontré un tel problème en Chine, attaque alors Insigma devant la Cour internationale d’arbitrage de Singapour, comme le prévoit leur accord au cas où surviendrait un litige entre eux. Près de quatre ans plus tard, le 18 janvier 2010, le tribunal de Singapour donne pleinement raison à l’industriel français, jugeant que l’entreprise chinoise a effectivement violé l’accord de licence en arrêtant le paiement des redevances, en transférant la technologie à l’une de ses filiales, en l’utilisant en Chine, mais également – les preuves ne sont à l’époque pas formellement établies -en ayant une « sérieuse intention » d’en faire autant à l’export. La cour condamne en conséquence Insigma à verser 26,6 millions de dollars d’indemnités à Alstom. Un chèque qu’il a cependant du mal à encaisser : en vertu de la procédure dite d’Exequatur, la décision arbitrale de Singapour ne pourra être rendue exécutoire qu’après un jugement prononcé… en Chine.
CLAUDE BARJONET, Les Echos 22/06/2010
Commentaire: je ne vais pas acheter une villa en Chine. C'est certain.
La fréquentation des hommes d’affaires chinois de la province côtière du Zhejiang, au sud de Shanghai, ne sourit décidément pas aux industriels français. Il y a un an, Schneider Electric avait dû indemniser son concurrent local Chint après avoir perdu un procès en contrefaçon, au cours duquel il avait pourtant prouvé son antériorité sur les brevets du produit concerné. En octobre dernier, Danone avait rendu les armes dans le conflit l’opposant à Zong Qinghou, son ancien partenaire au sein de la coentreprise Wahaha. C’est désormais au tour d’Alstom de se retrouver piégé par son allié local. Piégé en Chine, mais aussi, et c’est une première, en Bulgarie et en Roumanie… Sur des marchés financés par l’Union européenne. Une histoire si édifiante, qu’elle a récemment conduit le groupe français à raconter ses mésaventures à des députés européens médusés.
Tout commence en 2004, par la signature d’un accord de licence entre Alstom et la société Insigma Technologies. Créée trois ans plus tôt par l’université du Zhejiang, cette start-up se lance d’abord dans les services informatiques, passant notamment des accords de partenariat avec des industriels tels qu’IBM, Intel ou Sony. Mais, très vite, elle se diversifie dans d’autres secteurs. C’est ainsi qu’elle en vient à conclure avec Alstom un accord lui donnant accès, pour le seul marché chinois, à une technologie de « désulfuration humide ». Un procédé de lutte contre la pollution de l’air, qui permet de capter les dioxydes de soufre émis par des centrales thermiques de production d’électricité.
Dans un premier temps, tout se déroule normalement et six projets basés sur cette technologie sont lancés en 2005. « Mais, en 2006, explique-t-on chez Alstom, Insigma cesse de payer les royalties et transfère la licence à une de ses filiales, Insigma M&E, en violation de l’accord de licence. » En mai de la même année, Alstom, qui n’avait jamais rencontré un tel problème en Chine, attaque alors Insigma devant la Cour internationale d’arbitrage de Singapour, comme le prévoit leur accord au cas où surviendrait un litige entre eux. Près de quatre ans plus tard, le 18 janvier 2010, le tribunal de Singapour donne pleinement raison à l’industriel français, jugeant que l’entreprise chinoise a effectivement violé l’accord de licence en arrêtant le paiement des redevances, en transférant la technologie à l’une de ses filiales, en l’utilisant en Chine, mais également – les preuves ne sont à l’époque pas formellement établies -en ayant une « sérieuse intention » d’en faire autant à l’export. La cour condamne en conséquence Insigma à verser 26,6 millions de dollars d’indemnités à Alstom. Un chèque qu’il a cependant du mal à encaisser : en vertu de la procédure dite d’Exequatur, la décision arbitrale de Singapour ne pourra être rendue exécutoire qu’après un jugement prononcé… en Chine.
CLAUDE BARJONET, Les Echos 22/06/2010
Commentaire: je ne vais pas acheter une villa en Chine. C'est certain.